VICTOR DALLAIRE

Texte de Christiane Laforge

lu à la présentation de Victor Dallaire

au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 18 juin 2011

Montrez-lui une forêt, il y verra une volée d’outardes à l’affût d’une halte migratoire, certain que sous l’écorce de chaque arbre se cache une jeune femme craignant les loups qu’il imagine. Depuis l’enfance, Victor Dallaire ne cesse de révéler ce que lui seul devine sous l’essence des pins, des tilleuls et des merisiers. Devant la pièce de bois qui le défie, le sculpteur entend l’appel secret des formes qu’il fait jaillir sous les coups précis du ciseau. Son œuvre abonde de personnages évoquant l’histoire de son pays, les beautés et les tragédies de sa terre. Œuvres témoins accueillies avec honneur dans de nombreuses expositions internationales auxquelles le Baieriverain a été convié pour représenter le Canada.

Né à La Baie, le 25 novembre 1942, dans une famille de 16 enfants, « accro » au « gossage » du bois depuis qu’il sait tenir un couteau, Victor Dallaire s’initie à la sculpture auprès du frère Isidore Bergeron de l’École des métiers d’art. Jean-Marie Gauvreault, directeur de l’École du meuble de Montréal et directeur des Artisans du Québec, subjugué par le talent exceptionnel du jeune homme de 15 ans, lui obtient une bourse du ministère des Affaires culturelles. C’est le sésame pour deux années à l’atelier-école des mythiques frères Bernard et Jean-Julien Bourgault de Saint-Jean-Port-Joli où Victor deviendra leur premier diplômé.

Pour vivre de son art, il renonce à l’attrait de la ville fleuve que fréquentent de nombreux touristes, préférant s’installer dans sa Baie natale, au prix d’un dur apprentissage de la simplicité volontaire. Le talent ne suffit pas. Il apprend la patience, la persévérance, bâtissant sa renommée pièce par pièce, sachant qu’il doit prendre ses distances avec le style Bourgault pour trouver son propre caractère. Il résiste aux vents de la modernité, préférant tailler des visages et des corps réalistes, tels qu’il les voit. Pas de compromis pour cet artiste : il a choisi de sculpter sa propre vision de l’humanité. Il se veut un conteur visuel, inspiré d’événements vécus, utilisant les bas-reliefs, les pièces totémiques ou plain-pied, petits et grands formats, anecdotiques ou symboliques.

Créer et transmettre est son credo. Jeune, il a donné des cours de sculpture à l’École secondaire Charles-Gravel et à l’Institut technique de Chicoutimi. Depuis l’an 2000, il enseigne à l’Atelier d’art de Jonquière et à la Polyvalente de La Baie. Membre actif de la communauté artistique du Québec, Victor participe à de nombreux symposiums et autres événements culturels mettant l’art visuel à l’honneur, disséminant ses œuvres et son savoir en Europe comme en Amérique. Trop modeste pour faire étalage de ses succès, des gens de partout viennent visiter son atelier ouvert sur la Baie des Ha! Ha! et des célébrités ont fait appel à son talent. Alors qu’une de ses sculptures habite la Maison-Blanche depuis les Kennedy, son couteau a aussi taillé les traits de personnes réputées : René Lévesque, Pierre Trudeau, Jean-François Mitterrand, Étienne Brûlé, St Frère André, Marc Gagnon. Plusieurs lieux publics et lieux de culte arborent ses sculptures sur la crucifixion de même que ses pièces commémoratives : celles du Grand feu de 1872 ou des inondations de 1996 intitulée La grande vague ainsi que la Société des vingt-et-un, pour laquelle, par souci de justice, rompant avec la tradition, il a inclus trois personnages féminins. Ne craignant pas le gigantisme, il a sculpté une imposante crèche pour l’exposition permanente de Rivière Éternité, une Nativité dans un arbre de 10 mètres, et un portail de 12 mètres du domaine laterrois, Le terrier de mon père.

Toute une vie donnée à son art et à son terroir fait de Victor Dallaire la figure de proue d’un vaisseau régional et familial, en route vers la continuité puisque David, ce petit-fils « élevé dans l’odeur du bois et le bruit des couteaux », fraîchement diplômé de l’école des métiers d’arts du Cégep de Limoilou, témoigne être prêt à reprendre le flambeau.

Le 18 juin 2011

Victor Dallaire

Sculpteur sur bois de grande authenticité

Digne représentant du savoir-faire québécois

fut reçu membre de L’Ordre du Bleuet

***